Mehdi-Georges Lahlou

  • BE

Né en 1983 aux Sables d’Olonne (FR).
Vit et travaille à Bruxelles et Paris.

Mehdi-Georges Lahlou est l’enfant terrible d’un art qui n’existe pas. Ou pas encore, puisqu’il est en train de l’inventer. Comment peut-on être un artiste de l’interstice, aujourd’hui, quand on navigue entre nord et sud, entre différentes cultures, entre plusieurs médias, entre de multiples notions entremêlées ? « Ne voyons pas le problème par le petit bout de la lorgnette », semble-t-il (omettre de) nous dire.

C’est par le biais d’un Surréalisme réinventé que Mehdi-Georges Lahlou a choisi de nous montrer, comme par un trou de serrure, ce que nous refusons de voir, de savoir, ou de comprendre. À travers la double identité qui le suit à la trace comme une seconde peau – celle de son prénom composé – Mehdi-Georges nous trimballe dans son petit monde intérieur, parsemé de ses facéties de gamin survolté. Il élève le burlesque au rang d’art majeur, jouant avec les symboles de la tradition musulmane opposés à celui, hautain et tape-à-l’œil, de ses talons aiguilles rouges. Plus qu’un fétiche, cette paire de souliers est une sorte d’« animal totem » pour l’artiste, à la fois catharsis et vecteur de représentation.

Questionnant le champ des possibles à jamais irréconciliables, il pose son propre corps comme motif de réflexion sur le « corps sexuel » confronté à l’identité, notamment religieuse, et se plaît à détourner les signes de la culture traditionnelle pour mieux investir une nouvelle « esthétique musulmane ».

Ses performances, aiguisées par sa formation première de danseur, laissent en bouche un goût doux-amer, où le rire sciemment provoqué peut très vite virer au jaune. Son entêtement à réaliser les défis les plus fous, avec un sérieux frisant l’insolence, cherche en même temps à dédramatiser les questions les plus épineuses abordées par son travail, mais aussi à les replacer, ni vu ni connu, au devant de la scène : les poncifs liés à la femme musulmane, la nudité, le genre sexuel dans la spiritualité, autant de sujets plus que délicats mais essentiels, et si rarement traités avec autant de rigueur. Car au-delà de l’inévitable provocation il y a, au cœur, la rigueur de l’engagement.

« Quelqu’un m’a dit que le merveilleux était révolu » écrit-il, comme un petit enfant désabusé, en lettres champagne, ou sur papier doré. Et bien pas tout à fait, puisque Mehdi-Georges court encore après.

Par Marie Moignard